juin 2008

- juin 2008

Qui se souvient…
… du joli printemps de Mai 1968 ?…Air frais d’un printemps chaud riche d’une joyeuse irruption de vie trop longtemps contenue, parfumé d’une sève généreuse de liberté, de générosité, chants et paroles à l’infini. Sur les pavés parisiens une foule joyeuse contestait une société cadenassée entonnant des hymnes à la  liberté des corps et des esprits, à l’encontre de l’archaïsme des mœurs et des mentalités qui sévissaient alors. Mai 1968 c’était aussi bien plus que cela : la douce utopie de l’économie au service de l’homme, de l’anti consommation, et de la fraternité universelle…Etudiants et ouvriers réunis dans leurs luttes…Utopies ? Ou empreinte en creux riante et très exacte de notre société qui voit  partis politiques et citoyens renoncer à forger leur destin et se résigner à n’être plus que simples instruments au service de l’économie et de la finance internationale, sous la coupe d’actionnaires, de multinationales, de banques et de spéculateurs … Trouver un boulot,  consommer, éviter la prochaine charrette de licenciements, payer ses crédits, espérer un travail pour ses enfants…Tels sont les objectifs vitaux et raisonnables que tout un chacun se doit à présent de s’assigner…     
Sarkozy et Mai 1968
»Je veux tourner la page de mai 1968", annonçait Nicolas Sarkozy, en campagne électorale fustigeant au passage la gauche coupable d’avoir prôné "l’assistanat, l’égalitarisme, le nivellement, les 35 heures". Mais aussi :  le «  déclin de l’autorité », le « laxisme éducatif », la « dévalorisation du travail » et la « culture de l’excuse ». Bref une gauche irresponsable peuplée d’anciens soixante-huitards, une gauche  immorale de surcroît.
  LE MONDE.FR avec AFP | 29.04.07 | 18h19 • Mis à jour le 29.04.07 | 18h31
                                                  "Nous conjurerons le pire en remettant de la morale dans la politique, ajoutait Nicolas Sarkozy… La morale, après 1968, on ne pouvait plus en parler. Pour la première fois depuis des décennies, elle a été au cœur d’un campagne". Et d’accuser "les héritiers de 1968", de "relativisme intellectuel et moral" "incapables de différencier le bien et le mal, le beau et le laid, le vrai et le faux… Des héritiers au surplus responsables de la "dérive du capitalisme financier".  Car : "La contestation de tous les repères éthiques a préparé le terrain des parachutes dorés et des patrons-voyous."
Alors entre une gauche en pleine crise existentielle et une droite sûre d’elle, que reste-t-il de Mai 68? Quelques slogans, des images fortes, le souvenir d’une révolte de la jeunesse marquée par l’exubérance … A l’ occasion du 40e anniversaire de ce joli printemps de 1968  il y  aura pléthore d’ouvrages : historiens, témoins, hommages, documentaires, émissions de télévision. Du sérieux, du grisâtre aux antipodes des images qui subsistent dans nos mémoires de ce printemps fleuri, des slogans qui fleurissaient un peu partout sur les murs de nos villes et dont les aphorismes n’étaient  pas dialectiques, mais poétiques et marxistes (tendance Groucho), voire carrément surréalistes : « Sous les pavés, la plage » ; « Il est interdit d’interdire » ; « Soyez réalistes, demandez l’impossible ». (cf. « les murs ont la parole »(*) paru aux éditions Tchou  qui recense tous les slogans qui ont fleuri un peu partout au cours de ce printemps fiévreux). Pour ceux qui n’ont pas connu une bande dessinée (**) explique de façon précise et ludique ce fait historique, elle est préfacée par Cohn-Bendit , par ailleurs auteur de  1968-2008 Faut-il liquider l'esprit de mai ? (***) qui se veut « le » livre de la commémoration de Mai 68. Un recueil de témoignage, mémoires, anecdotes et réflexions de Dany le Rouge sur le sujet et plus généralement sur l’époque.
Et tant d’autres livres encore parus ou à paraître…Reste à savoir ce que nos contemporains peuvent encore retenir de l’époque ?  Une  cure de jouvence contre les dérives de l’ultralibéralisme, la dureté d’une société divisée, les conservatismes fossilisés de la vieille gauche ?  Et mieux encore, un peu de fraîcheur, de joie de vivre, un  message d’espérance dans la volonté collective et dans l’imagination du peuple ? Pour que nos sociétés du calcul égoïste retrouvent le goût de l’avenir et celui de la solidarité. Mais peut-on encore rêver aujourd’hui à 20 ans?
* Les murs ont la parole : Journal mural Mai 68.  Julien Besançon. 184 pages. 7,50 euros.
** Mai 68 la bande dessinée Alexandre Franc, Arnaud Bureau (préface de Daniel Cohn-Bendit) Parution  avril 2008.
*** 1968-2008 faut-il liquider l’esprit de mai 1968. Daniel Cohn-Bendit. Ed. de l’Aube. 150 pages. 12 euros.

Il y a dix ans disparaissait Nicolas Bouvier qui réinventa le récit de voyage.
A l’occasion du 10 ème anniversaire de sa mort François Laut signe une première biographie d’un auteur trop méconnu *. Héritier de toute une lignée de pasteurs genevois, ayant grandi dans de désuètes propriétés à la Tchekhov, fréquentées par Hermann Hesse ou Robert Musil, Nicolas Bouvier était promis à un avenir tout tracé de bibliothécaire jusqu’à ce qu’il se découvre une vocation d’écrivain-voyageur. Le voici donc un beau jour de 1953 quittant Genève au volant d'une minuscule Fiat Topolino dans laquelle il entasse pêle-mêle un accordéon, une Remington et une cartouche de Gauloises à destination de l'Afghanistan. De ce  long périple des plaines anatoliennes aux neiges de Tabriz va naître « l’usage du monde » (*) chef-d’œuvre de la littérature de voyage francophone de la deuxième moitié du XX ème siècle. Dans une prose toute à la fois joyeuse et poétique Nicolas Bouvier  réinvente le récit de voyage quelque part entre Morand et Kessel. Hélas nul n’est prophète en francophonie et la reconnaissance de notre écrivain-voyageur se fera longuement désirer.  Fort heureusement,  laborieusement édité à compte d'auteur en 1963, « L'Usage du monde », deviendra progressivement un livre culte jalousement transmis entre initiés, jusqu’à ce qu’il devienne  authentique long-seller.
De la Macédoine aux îles d'Aran, des brumes écossaises au Japon, Nicolas Bouvier restitue avec humour et précision ces vies ordinaires qu’il croise et célèbre tout à la fois justement et poétiquement les enchantements du moment, les bonheurs les plus impalpables « Un pays est une succession d'états d'âme», écrivait-il justement, même si le cours de sa vie ne fut pas toujours un long fleuve tranquille. Dépressif, une bouteille de whisky, toujours à portée de main, Nicolas Bouvier dut se faire guide pour touristes en Chine.
A l'heure où paraissent tant de récits de voyage et journaux bâclés Nicolas Bouvier fut un véritable écrivain-voyageur. Un écrivain qui accoucha toujours dans la douleur, car de son aveu même écrire ne lui était pas facile : « Travail de forçat, puisqu'il s'agit de restituer avec un vocabulaire opaque, pesant, lacunaire ce qui avait été ressenti comme légèreté aérienne, transparence et mystérieuse polyphonie».
* Nicolas Bouvier. L'œil qui écrit. François Laut. éd. PAYOT.320 pages. 20 €
** L’usage du monde. Nicolas Bouvier. Nicolas Bouvier, Thierry Vernet.  Très belle édition de la librairie Droz, réédition à l’identique de l’édition originale publiée en 1963 avec tous les dessins de Thierry Vernet.  376 pages. 34 euros.

Un texte passionnant pour passionnés ….

Publié pour la première fois en 1936, l’Histoire de la littérature française de 1789 à nos jours, publiée l’année même de sa mort en 1936 est sans conteste chef-d’œuvre d’Albert Thibaudet le grand critique de La Nouvelle Revue françaiseau début du XIX ème siècle. Pourquoi rééditer ce texte aujourd’hui et surtout pourquoi vouloir le découvrir ou le relire?  C’est que Thibaudet sait mieux que personne tisser un réseau de relations d’une œuvre à l’autre et dialoguer avec les auteurs, en combinant à merveille cultures littéraire, philosophique et historique, ce qui, convenons-en, ne se fait plus guère de nos jours. "Personne n’était mieux doué que lui pour l’art de créer des perspectives dans l’énorme forêt des Lettres", disait Paul Valéry. Ce livre est doncle livre d’un amoureux des livres, et à ce titre passionnant parce qu’il est celui d’un passionné. Thibaudet sait de quoi il parle et n’hésite pas à délivrer ses avis ou opinions très personnels, sur , Hugo, Rimbaud, Flaubert, Mallarmé, Zola, Proust, ou encore Valéry…On peut être d’accord ou pas mais le propos ne laisse jamais indifférent car il est toujours sincère et pertinent. Surtout, chemin faisant, cette Histoiredonne envie de revisiter et d’exhumer des auteurs et des œuvres, car  si certains des auteurs choisis nous sont familiers, d’autres ont été parfois injustement oubliés. C’est aussi l’une des raisons pour lesquelles l’Histoire de Thibaudet a fait figure d’ode référence pour des générations d’étudiants et de lettrés, car bien plus qu’une histoire littéraire, ce texte est en effet, plus fondamentalement, une histoire de la France, nation littéraire.
 *Albert Thibaudet. Histoire de la littérature française . CNRS Editions, 592 pages, 10 €.

Hystérie à Sydney.
 Gina Davies, dite la Poupée, strip-teaseuse dans un club de Sydney  tombe un soir sous le charme de Tariq, un bel étranger, informaticien de son métier. Après une nuit torride, son amant disparaît et l’on retrouve au matin cinq bombes dans la ville. Nos ux amants sont rapidement dénoncés comme terroristes car Tariq a fait de trop nombreux voyages au Pakistan et en Indonésie pour ses trafics; quant à Gina  reconnue par un journaliste véreux sur une bande de vidéosurveillance, au bras du jeune homme, elle s'est exhibée parfois en « veuve noire » sur scène, à demie nue et affublée d'une burka. Très vite la pression médiatique, conjuguée à la machination policière et à la démagogie politique vont se transformer en  paranoïa terroriste. Et Gina, la Poupée, ayant perdu tout contact avec son amant d'un soir, et incapable de prouver son innocence,  va devoir fuir comme une bête traquée dans la ville devenue hystérique.
 « La Fureur et l'Ennui » (en anglais, « The Unknown Terrorist ») est l'oeuvre de Richard Flanagan reconnu  comme l’un des plus grands auteurs australiens de sa génération. L’action se situe en Australie que Flanagan transforme, par la magie de sa plume,  en démocratie fourvoyée dans un mauvais remake du 11Septembre. Et c’est dans un Sidney devenu apocalyptique qu’il nous donne à voir, flottant à la dérive comme des noyés, ses héros pathétiques se raccrochant comme ils le peuvent, à un bien-être matériel artificiel.  Pour Flanagan la paranoïa terroriste est une sorte d’accord tacite é entre le peuple et ses dirigeants.  A la manière d’un mauvais film catastrophe dans lequel les citoyens jouent à se faire peur dans l’attente du grand frisson  et du  happy-end garanti tandis que ceux qui titrent les ficelles peuvent retourner tranquillement à leurs jeux habituels de pouvoir et d'argent.
Le regard est sévère, certes, mais Flanagan ne tombe pas pour autant dans la caricature, son style nerveux s’égrène en  mots précis au service d’une grande lucidité au service d’un  pessimisme absolu qui engendre la rage.  Rage de bousculer la bonne conscience de cette société indécemment matérialiste et bien pensante en écho à ésus ou Nietzsche, tout à la fois symboles et témoins de l'amour impossible. A la fin pourtant, au bout de l'enfer, Flanagan se fait plus raisonnable et conclut : « L'amour ne suffit jamais, mais c'est tout ce que nous avons.»
*La fureur et l’ennui. Richard Flanagan. Ed Belfond, 360 pages, 21 euros.

Un joyau exigeant d’une grande dame des lettres hongroises
Après "la Porte" , prix Femina étranger en 2003, "la Ballade d'Iza" et "Rue Katalin", Magda Szabo disparu des étals des libraires. La voici à nouveau sur le devant de la scène avec « Le Faon » paru chez Viviane Hamy. Une forme de consécration pour une grande dame des lettres hongroises  longtemps ignorée dans son propre pays, la Hongrie,  où elle s’est éteinte il y a peu, à 90 ans, sans avoir pu hélas, mettre un point final à son autobiographie.
 Le Faon est l’tragédie d'une femme dévorée par la jalousie. Encsy,  comédienne de Budapest y dévoile son amour pour un homme marié et se livre totalement en mêlant son présent et son passé. Les frustrations de son enfance renaissent et s'exacerbent quand elle découvre qu'Angela, la gamine trop parfaite de son village natal, est l'épouse de l'homme qu'elle aime, et qui l'aime. Dès lors Eszter, toute entière dévorée par une jalousie morbide, incurable, monstrueuse et obsessionnelle et le livre devient le pathétique récit de sa descente aux enfers. Un monologue terrible d'une femme qui se donne, se confie, se confesse, et expie. A la manière d’une tragédie antique Magda Szabo met en scène une Médée hongroise dont le monologue est une forme d’exorcisme à vocation expiatoire avec en contrepoint  l'évolution de la Hongrie aux prises avec les diktats du parti unique, et les excès d’une dictature qui empoisonne la vie des hongrois. texte est parfois éroutant pour le lecteur tant il  entretient la confusion des sentiments, des dates, et même des  personnages. Au fil des pages affleurent des souvenirs qui s’entrechoquent, se télescopent, se surajoutent selon les caprices d’une mémoire enfiévrée par la passion qui s’évertue souvent vainement à en rechercher des cohérences. L’écriture ainsi démultipliée est sans concessions pour le lecteur  à ce point captivé qu'il ne peut l’abandonner. Il est ainsi des livres qui se méritent et savent récompenser en retour ceux qui lui sont fidèles, « Le Faon » est sans conteste l’un de ceux-là !
*Le Faon. Magda Szabo. Ed Viviane Hamy.  235 pages.  21.00 €
 

Mystère dans le Médoc
Eva Leperlier enquête pour le compte d'une organisation du nom de l' »Œuvre » qui envoie ses limiers  résoudre des énigmes aux quatre coins de la France. Parmi eux, Eva est envoyée au Château , domaine producteur d'un grand cru, où elle rencontre la fantasque gérante du domaine, Madeleine, dont la fille Vénus, a disparu. Dès lors maintes interrogations l’agitent : fugue ou enlèvement de Vénus?  Qui est vraiment la fantasque gérante? Et surtout pourquoi un autre détective a-t-il déjà été dépêché  sur les lieux ? Mais les événements vont se précipiter et bientôt la police va rentrer en scène car le domaine est sous haute surveillance, son vin ayant été choisi pour être servi sur les tables des membres du prochain G8. Et peu à peu, au fil des pages, le lecteur inexorablement dans un profond suspens après la découverte d'un premier cadavre, meurtre pour lequel la gérante, peu émue par cette mort, demande à tous les témoins la plus grande discrétion. De son côté, Eva poursuit l’enquête sans grand succès en envisageant toutes les hypothèses : drame de l'ambition ? Mysticisme ? Rancœur ? Vengeance ? Ou même sorcellerie ? Le lecteur demeure lui aussi fort perplexe et ne réalisera qu’au stade du dénouement  qu’il avait tout bonnement le coupable sous les yeux ! En compagnie d’Eva il aura vécu l’aventure jusqu’à se perdre et vaciller grâce à l’astucieuse structure narrative de l’auteur, de son état, qui en privilégiant 'aspect sociologique de sa fonction est parvenu à donner à son histoire tous les aspects d’une réalité tangible. Son savoir faire conduit ainsi ses lecteurs  à  vivre, presque en temps réel et au rythme des protagonistes, une aventure haletante, non sans avoir pris, perfidement, le plus grand soin de l’égarer dans d’insondables et mystérieuses arcanes !
*L’archange du Médoc. Pascal Martin.  Ed. Presse de la cité.  Terres de France 336 pages. 19 euros.

Thriller en pays cajun.
Après avoir survécu à l'incendie de son restaurant parisien et avoir été tenu pour mort quelques minutes, Arnaud Darcy , de parmi les vivants, se sent comme «étranger dans sa propre vie». Des choix impensables avant l'accident le conduisent en Louisiane, au pays des bayous, des alligators et du vaudou. Très vite le passage d'un ouragan le conduit en plein pays cajun où il rencontre Lena, jeune Noire tenancière d’un petit restaurant qui élève seule son fils depuis la disparition de Toby, son père adoptif. é par une irrésistible impression de déjà-vu dans ce pays pourtant inconnu, Arnaud réalise que chaque pas qui le rapproche de la vérité met aussi la femme qu'il aime en danger et le rapproche de sa seconde et vraie mort.
sensible et  prenant Bayou cruel, mêle subtilement  suspense et  portraits psychologiques des personnages avec un grand bonheur. Ce voyage en Louisiane s’avère  aussi quête initiatique liant indissociablement  vengeance et  secrets de famille, meurtre et  histoire d’amour terriblement romantique.

*Bayou cruel. Pierre Delerive. Ed. Anne Carrière. 20.00 euros





09/02/2009
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