septembre 2007

septembre 2007

Rentrée littéraire :  la tendance 2007 est (toujours) à la hausse...
Entre août et octobre 2007, 727 romans vont être publiés. nouveau record avec 44 titres de plus que l'an passé soit… un tiers de mieux qu'il y a dix ans (488 romans en 1998) ! Parmi ceux-ci on compte environ deux romans français (493 titres) pour un étranger (234) et 102 premiers romans (et autant de talents potentiels à défendre) seront présents à l'appel, soit cinq de mieux que l'an passé.
La réalité revient en force dans la fiction.  Les couvertures des éditeurs changent. La tendance aux gros volumes s'affirme. Le nombre de premiers romans croît légèrement. Et la littérature anglaise continue de dominer une rentrée "étrangère" diversifiée.
Parmi les parutions  s'illustrent deux écrivains dont on entendra parler : l'un a quinze ans, Boris Bergmann, qui publiera « Viens là que je te tue ma belle » chez Scali ; et l'autre :  Paul Lomami Tchibamba, qui débute en littérature à l'age canonique de 93 ans avec « Ah !, Mbongo », aux éditions de L'Harmattan.
Comme chaque année le jeu des pronostics pour la rentrée littéraire passionne le petit monde de la littérature : parmi les favoris le reportage de Yasmina Reza sur l'année de Nicolas Sarkozy, chez Flammarion. Mais aussi les nouveaux titres de Marie Darrieussecq, Patrick Modiano, Philippe Claudel ou encore Olivier Adam. (chroniqué ci-dessous).
La rentrée étrangère connaît également son lot de surprises : l'autobiographie de Günter Grass, dans laquelle il dévoile sa jeunesse nazie (Pelure d'oignon, aux éditions du Seuil), un nouveau Norman Mailer (Un château en forêt, chez Plon) et un inédit de Philip K. Dick, « Les voix de l'asphalte », que publieront les éditions du Cherche-Midi.
Que de livres…de promesses…qui nous ravissent et nous frustrent  à la fois, car hélas nos  capacités de lecture demeurent profondément humaines…c'est-à-dire limitées !
En voici néanmoins une petite sélection….Bonnes lectures d'automne !


Bats toi !
« Bouge-toi ! Prends la vie à bras le corps et ne la lâche pas. Accroche-toi à chacune de ses branches pour te hisser, toujours plus haut, vers les cimes éternelles. Combats la maladie, celle des hommes, comme celle de la Terre, noie ta solitude intérieure dans l'amour de ceux qui t'entourent. Bats-toi ! ». Cri d'espoir, cri de rage Nadine Gordimer,  mondialement célèbre et très secrète, démontre dans ce court roman qu'à 84 ans, elle n'a rien perdu de sa verve qu'elle met courageusement au service de combats qui sont aussi les nôtres. Rappelons que Nadine Gordimer, a reçu le Nobel de littérature en 1991. Elle a écrit quatorze romans dont Un amant de fortune (Grasset 2002) et des recueils nouvelles, dont Pillage (Grasset, 2004). L'Afrique du Sud reste sa source d'inspiration y compris dans ce livre qui a une portée universelle à la gloire du combat , ou plutôt, des combats: de l'avortement à l'adultère, du cancer au sida. La lutte contre la maladie de son héros , Paul Bannerman, ne l'empêche pas de militer pour l'écologie, sans apitoiement sur soi-même, ni misérabilisme. Récemment opéré d'un cancer de la thyroïde, il  revient pour sa convalescence dans la maison de son enfance, entouré de ses parents, de sa femme, Berenice, et de leur petit garçon. Le traitement ayant laissé des traces de radiation, il doit être tenu en quarantaine. Dès lors, c'est une autre forme de cancer, encore plus insidieuse, qui ronge cette famille aisée d'Afrique du Sud, détruisant avec patience les liens entre Paul et sa femme, et entre les parents de Paul. Ce dernier se remet peu à peu et reprend son combat pour la sauvegarde de l'environnement, le " bush " sud-africain, menacé par divers projets gouvernementaux - barrages, centrales nucléaires, autoroutes -, mais se sent de plus en plus coupé de sa femme, de sa famille et de lui-même, de son propre corps.
Nadine Gordimer replace ainsi l'intime dans la perspective de la grande histoire. Si la fin de l'apartheid en Afrique du Sud a été synonyme de  progrès social, la pauvreté, le Sida, la criminalité empoisonnent toujours le pays. Bouge-toi ! démontre que sur les ruines d'un monde gangrené peut s'effectuer une sorte de renaissance. Son style est net,  sans fioritures, voire d'un réalisme brutal, mettant  en scène les parallèles et les contraires dans un texte très dense, porté par une écriture à la fois rugueuse et musicale. Sous ce double effet  « Bouge-toi » agit comme un électrochoc sur le lecteur  qui se retrouve douloureusement  éveillé, bouleversé et presque exsangue. Une manière pour Nadine Gordimer d'aller avec talent à l'essentiel.
*Bouge-toi. Nadine Gordimer. Ed. Grasset.  280 pages 17.9 euros


Au risque de se perdre
Marie, la trentaine, mère au foyer désœuvrée et malheureuse s'est enfoncée dans un quotidien morose avec son mari, Stéphane, et ses deux jeunes enfants. Un soir, elle crève un pneu sur une route déserte. Sorti de nulle part, un réfugié "kossovar" se propose de l'aider,  pour le remercier, Marie se rend le lendemain au centre d'aide de sa ville et y découvre la détresse d'hommes et de femmes abandonnés par la société. Bouleversée elle décide de devenir bénévole, et se donne sans compter à cette nouvelle cause, finissant même par se lancer dans une fuite en avant destructrice, délaissant sa famille, dilapidant son maigre capital, se donnant toute entière, corps et âme, jusqu'aux portes ultimes de la folie.
Avec cet ouvrage aux limites de l'impossible son auteur, Olivier Adam, choisit de se confronter à l'impalpable, l'invisible, l'inexprimable, et d'explorer avec infiniment de talent les labyrinthes de l'âme humaine.   
Foin des considérations matérielles : l'auteur  s'en affranchit rapidement. La vie de Marie fait l'objet de longues énumérations, sans ponctuation, afin d'aller au plus vite vers ce qui lui tient vraiment à cœur, l'invisible. Ce qui l'intéresse est surtout ce basculement soudain d'une vie ordinaire dans une forme de "folie altruiste"  devenue colère inattendue accompagnée d'une grande violence des gestes.  Cette âme n'est-elle pas en tous points semblable à la nôtre, entre aspirations déçues et colères en sourdine ?
Quoiqu'il en soit nous voici prévenus : nul n'est à l'»A l'abri de rien », et surtout pas de soi-même. Personnages et lecteurs partagent la même destinée en situation de menace perpétuelle. Et point question ici d'happy end, car les cauchemars qui nous habitent ne nous laissent jamais de répit.
A l'abri de rien. Olivier Adam, Editions de l'Olivier. 220 pages. 18 euros.
Comédie sicilienne
Vers 1875, à Vigàta, en Sicile, l'on inaugure le nouveau théâtre. Las ! Le préfet dresse contre lui ses administrés en imposant la représentation d'un opéra peu connu, «Le Brasseur de Preston».  Il est vrai qu'il est Milanais, et donc représentant d'une région honnie dont les mœurs sont fort éloignées  des passions siciliennes. Rapidement l'affaire s'envenime et de Charybe en Scylla (nous sommes en Sicile !), de quiproquos linguistiques, en incompréhensions culturelles, et après maintes manifestations, toutes plus cocasses les unes que les autres,  l'on se dirige vers un inévitable et catastrophique fiasco qui se terminera par l'incendie du théâtre !
A partir d'un fait divers du XIXe siècle exhumé des archives, Camilleri  construit une tragi-comédie basée sur les contradictions entre deux cultures. Les siciliens, sont en effet, irréductiblement  opposés à toutes formes de cultures venues du nord de l'Italie  représentées ici par le préfet florentin, le questeur milanais, un révolutionnaire romain, tous bien présents et parlant avec leur propre langue, (car on peut rien comprendre à l'Italie si on ignore sa diversité linguistique) . De cette contradiction entre deux univers culturels  naît cet ouvrage truculent traversé de personnages peu communs  dans lequel l'on s'achemine, de mystères en mystères, vers une véritable comédie à l'italienne oscillant entre rire,  dénonciations des injustices sociales, séquences érotiques et règlements de comptes sanglants. La farce flirte toujours avec la tragédie, à l'image de cette Sicile si prompte à passer du rire aux larmes. A  cet égard,  L'Opéra de Vigàta n'est pas sans rappeler certains des romans de Sciascia ou de Pirandello.  Ceux qui ne connaissent pas encore Andrea Camilleri se délecteront de  ce roman inclassable.
*L'opéra de Vigata. Andrea Camilleri. Ed. Métailié. 225 pages. 16 euros.


Sucré/salé ….

Inspiré par l'histoire de Papusza, poétesse gitane exilée, l'une des rares poétesses tziganes, hissée au rang d'icône dans la Tchécoslovaquie des années 1950, ce livre nous entraîne au début des années 1930 sur les traces de Zoli, une petite fille tsigane de six ans  assistant impuissante à un triste spectacle : sur un lac gelé, un bataillon fasciste a rassemblé une communauté tzigane. La glace craque, les roulottes s'enfoncent dans l'eau. Seuls en réchappent Zoli, et son grand-père, Stanislaus. Quelques années plus tard, Zoli commence à écrire. Rapidement remarquée par le poète communiste Martin Stránský elle rencontre  Stephen Swann, anglais exilé, traducteur déraciné, rapidement fasciné par le talent et la vitalité de la jeune femme qu'il n'aura de cesse de vouloir posséder. Ne pouvant arriver à ses fins il va  la trahir et c'est une artiste déchue, bannie, qui errera désormais sur les routes.
Des plaines de Bohême à la France, l'Autriche et l'Italie, des années trente à nos jours, Colum Mc Cann nous donne à lire une magnifique histoire d'amour, de trahison et d'exil, en forme de portrait tout en nuances d'une femme exceptionnelle. Pour écrire ce livre l'auteur  a séjourné dans un camp tzigane en Europe centrale afin de tenter d'en pénétrer la culture empreinte de liberté. De ce séjour il a ramené ce récit romanesque en forme de réflexions d'une actualité brûlante sur  l'immigration et l'identité.
*ZOLI.   Colum Mc Cann. Éd Belfond. 336 pages. 21 euros.

Libertins et méconnus.

La France a connu deux 17ème siècle... Le "Grand Siècle", de Louis XIV, des fêtes de Versailles, du classicisme, de la France et de la langue française maîtresses de leur temps. Une certaine pesanteur et une certaine idée de la grandeur du pays. Et puis, il y a l'autre 17ème siècle... moins connu mais tout aussi fascinant: celui d'Henri IV et Louis XIII.  Le siècle de la "langue verte", des provocations baroques, des premières manifestations de l'athéisme... celui aussi des libertins largement oubliés et sous-estimés par l'histoire de la philosophie officielle et l'université française. C'est que la pensée libertine est multiple. C'est d'abord une attitude, un style, une quête incessante dans la recherche de la sérénité. Il n'y a donc pas à proprement parler de philosophie libertine; mais une sagesse libertine. Celle de François de La Mothe Le Vayer, Pierre Charron, Pierre Gassendi, Gabriel Naudé, Jacques Vallée Des Barreaux, Cyrano De Bergerac, Saint Evremond...
Un libertin est d'abord un affranchi, "libertinus" désignait dans la Rome antique l'esclave libéré par son maître, redevenu homme libre, passant ainsi de l'exploitation à l'autonomie ; et retrouvant sa vie, ses biens, son indépendance, son corps en assumant  pleinement sa singularité et sa duplicité.
Ces libertins méconnus ont beaucoup apporté à l'histoire de la philosophie et des idées . Ils vont véhiculer des idées, réactiver des formes de pensées négligées et oubliées par l'histoire officielle (les Sceptiques, les Cyniques, les Matérialistes...), et exercer surtout une influence déterminante sur les penseurs de leur temps : Descartes, Pascal, Mersenne, Malebranche, Spinoza, Fontenelle, Pierre Bayle. La philosophie des Lumières a une dette significative à l'égard des libertins du Grand Siècle. Et cet ouvrage a le mérite de nous le rappeler.
*Les Libertins au 17ème siècle. Christophe Girerd. Ed. Livre de poche. Biblio-essais . 320 pages. 6,50 euros.


Sur la piste du magot…

Le magot de l'épave la « Marie-Océane » existe-il vraiment ? Un calepin secret détiendrait la clé du mystère. Le saxophoniste Saint-Sauveur, émissaire de l'organisation secrète l'Œuvre, part en Bretagne et parvient à le récupérer et à le déchiffrer. On apprend ainsi que Villepreux, ami de Foch vivant à Lorient, a trouvé un lingot d'or,  infime partie de la fortune disparue d'un armateur nantais, Morandais Le Queffélec enrichi dans le commerce triangulaire négrier,  dont le navire "Marie-Océane" sombra avec sa cargaison de lingots. Les recherches de Saint-Sauveur intriguent l'inspecteur Le Meur. Il alerte à la fois ses anciens amis indépendantistes bretons, et ses supérieurs au Ministère. L'ambigu policier se place en retrait de l'enquête. Mais malgré tout et tous, au terme d'un sanglant règlement de comptes sur le phare de Tévennec, Saint-Sauveur, viendra à bout de sa mission périlleuse…
Dans ce quatrième roman inventif et plein d'humour Pascal Martin passionne son lecteur devenu complice et protagoniste d'une trépidante aventure. Rebonds et  péripéties se multiplient à l'envi. Et si le saxophoniste est au centre du récit, chaque personnage est également le héros de l'affaire. Car de la jeune Léocadie au cambodgien Lon, du ministre Vidocq à l'autonomiste Erwan, sans oublier La Carotte ou Le Penec'h, chacun joue également sa propre partition dans cette œuvre dont l'auteur, fort à son affaire, brille dans l'art de tenir son lecteur en haleine.

*La malédiction de Tévennec. Pascal Martin. Ed. Presses de la Cité. Terres de France. 324 pages. 18,90 euros.




15/02/2009
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